Nitrites : nous prendrait-on pour des jambons ?
Pourquoi les nitrites sont-ils nocifs pour la santé ?
Les nitrites sont des additifs principalement utilisés par l’industrie agroalimentaire : jambon blanc, saucisses, corned-beef, viandes en conserve, préparations et sauces à base de viande, pas moins de 75 % des produits carnés transformés en contiennent (mais pas l’andouillette, l’andouille, les rillettes et le jambon de Parme, ni les saucissons ou les jambons crus ou cuits préparés de manière traditionnelle).
Sur les étiquettes, on les repère par leurs noms de code d’additifs : E249 (nitrite de potassium), E250 (nitrite de sodium), E251 (nitrate de sodium) ou E252 (nitrate de potassium), ou encore sous forme de « bouillon de légumes » ou de « jus de céleri ». On les soupçonne déjà depuis plus de quarante ans d’être nocifs pour la santé : dans nos intestins, ces nitrites se dégradent en nitrosamines, des composés qui peuvent être cancérogènes…
En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), instance qui dépend de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a classé la charcuterie (viande transformée) comme cancérogène certain (groupe 1), tandis que la viande rouge était classée comme « cancérogène probable » (groupe 2A)… Or si la charcuterie, qui contient des nitrites, est plus cancérogène que la viande rouge, qui n’en contient pas, c’est bien que les nitrites y sont pour quelque chose ! D’ailleurs, une vaste revue de la littérature scientifique menée par l’institut britannique pour la sécurité alimentaire mondiale (Institute of Global Food Security) et parue dans la revue Nutrients en novembre 2019 a conclu qu’il existe bien un lien entre la consommation de charcuterie aux nitrites et l’apparition du cancer colorectal…
Un lobby puissant
Évidemment, les charcutiers-traiteurs industriels ne sont majoritairement pas d’accord pour revoir leurs pratiques (même si certains ont commencé à le faire). Ils arguent que le cancer est une maladie plurifactorielle qui ne saurait être liée qu’à la consommation d’un seul aliment. Ils refusent aussi d’admettre une éventuelle dangerosité des nitrites, ou expliquent qu’il n’y en a pas que dans la charcuterie, mais aussi dans les légumes, dans l’eau et dans les céréales. Enfin, selon eux, il est impossible de s’en passer, car ce sont de puissants agents antibactériens qui permettent d’éviter le botulisme, mortel, ou la salmonellose. Les interdire exposerait, dans cette logique, le consommateur à des risques bien plus terribles que celui de développer un cancer. Sans compter que la durée de conservation du jambon – qui ne serait alors même plus rose, mais gris – passerait de 21 à 8 jours : de quoi menacer, selon les industriels, toute la filière, et les nombreux emplois qu’elle génère !
Réunis en une fédération (la FICT), ils ont mené plusieurs offensives : d’abord, des actions en justice contre Yuka (l’application mobile qui note la qualité nutritionnelle des aliments) pour des « allégations trompeuses » qui figurent sur les fiches liées à leurs charcuteries et qui leur porteraient préjudice en « désinformant le consommateur ». Yuka a été condamnée à de lourdes amendes et a dû retirer son lien vers la pétition citée précédemment. La FICT a également créé un site Internet d’« information » sur les nitrites, qui renvoie notamment à la conclusion d’un rapport de l’Académie d’agriculture de France paru fin novembre 2020 avançant que « le risque soupçonné d’augmentation du cancer colorectal lié à l’utilisation des nitrites comme additifs dans les charcuteries aux doses autorisées par la réglementation n’est pas scientifiquement établi par les études toxicologiques et épidémiologiques disponibles à ce jour » . Mais on notera que les membres de cette académie ne sont pas tous vierges de liens d’intérêt avec l’industrie agroalimentaire, comme l’a rappelé Mediapart … Enfin, les membres de la FICT envoient régulièrement des lettres de « pression » aux députés, un lobbying largement dénoncé par Richard Ramos dans les médias…
Extrait du magazine Alternative sante: “Nitrites nous prendrait on pour des jambons”
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